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Le TDA/H, qu'est ce que c'est ?

hyperactivité attention écriture manuscrite
Il nous arrive à tous d'avoir parfois des difficultés à rester assis, d'accorder toute notre attention à un discours, ou d'avoir à contrôler un comportement impulsif . Pour certaines personnes, ces problèmes sont tellement omniprésents et persistants qu'ils interfèrent avec leur vie quotidienne.




Le trouble de l'attention

Le trouble de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) est une affection neurobiologique commune atteignant 5 à 8% des enfants d'âge scolaire avec des symptômes qui persistent à l'âge adulte dans 60 pour cent des cas (soit environ 4 % des adultes ) .Il est caractérisé par des niveaux inappropriés d'inattention, par de l'impulsivité et parfois par de l'hyperactivité (mais pas systématiquement).

Bien que les personnes atteintes de ce trouble peuvent parfaitement avoir une vie épanouie, sans identification ni traitement , le TDA/H peut avoir des conséquences graves : échec scolaire , stress familial, dépression, problèmes relationnels, voire toxicomanie, délinquance, risque de blessures accidentelles. Le diagnostic et le traitement précoces sont donc extrêmement importants.

La science médicale a identifié ce syndrome d'inattention et/ou hyperactivité depuis 1902. Ce n'est donc pas une mode récente. Cette maladie a été nommée dysfonction cérébrale minime, réaction hyperkinétique de l'enfance et plus récemment trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité ou TDA/H. Le nom actuel reflète l'importance des caractéristiques de l'inattention de la maladie ainsi que les autres caractéristiques telles que l'hyperactivité et l'impulsivité.

les symptômes du TDA/H

Typiquement , les symptômes du TDAH apparaissent dans la petite enfance, avant 7 ans. Plus rarement il arrive qu'ils soient associés à un certain type de lésion cérébrale acquise.  Trois types de troubles de l'attention existent :

TDAH avec inattention prédominante : ( TDAH - I)
  • Ne parvient pas à prêter attention aux détails ou fait des fautes d'inattention .
  • A de la difficulté à soutenir son attention .
  • Ne semble pas écouter .
  • A du mal à exécuter les consignes
  • A des difficultés d''organisation .
  • Evite ou n'aime pas les tâches qui nécessitent un effort mental soutenu .
  • Perd des choses .

TDAH de type hyperactivité-impulsivité prédominante : ( TDAH - HI )
  • Bouge les mains ou les pieds ou se tortille sur son siège .
  • A des difficultés à rester assis.
  • A du mal à s'engager dans des activités tranquillement.
  • Parle trop.
  • Laisse échapper des réponses avant que les questions soient achevées.
  • A du mal à attendre son tour.


Type TDAH combiné : ( TDAH - C )
  • La personne satisfait les deux ensembles de critères concernant l'inattention et l' hyperactivité / impulsivité .


Les jeunes avec TDA/H sont souvent confrontés à des retards dans leur développement et peuvent donc se comporter de manière plus immature que les autres enfants du même âge11. Le TDA/H est souvent associé avec d'autres troubles, tels que la dépression, l'anxiété ou des troubles d'apprentissage.  Au cabinet de rééducation de l'écriture j'observe une proportion élevée d'enfant diagnostiqués TDA/H parmi les enfants ayant des problèmes de dysgraphie.

Les adolescents atteints de TDA/H présentent un défi particulier . Au cours de leurs années de scolarité, les exigences académiques et organisationnelles augmentent, et leur écriture s'en ressent. En outre, ces jeunes impulsifs sont confrontés à des problèmes typiques des adolescents : la découverte de leur identité, la découverte de l'indépendance, la pression des pairs, et les défis de la conduite adolescente.

La rééducation de l'écriture des enfants TDA/H, même si elle nécessite quelques adaptation en terme de contrôle de la posture et de durée des exercices, se déroule comme pour d'autres troubles d'apprentissage, et donne en général de bons résultats.

Pour aller plus loin :





Dysgraphie et syndrome valproate


 Aujourd'hui, la rééducatrice de l'écriture voudrait pousser un coup de gueule à propos d'un médicament:

valproate et dysgraphie


Le valproate de sodium (qui est connu sous les noms Depacon, Depakene, Depakote, Depakine, Convulex,..) est un anticonvulsivant indiqué pour le traitement des crises  d'épilepsie. Certaines formulations sont également prescrites pour le traitement des troubles bipolaires, de la dépression, et même des migraines. 

 Le Valproate est connu depuis très longtemps pour ses effets tératogènes. Il a en effet été identifié depuis les années 80 que le risque d'un spina bifida était fortement augmenté lors des grossesses où la mère était traitée par valproate.



Ce qui est (encore) moins connu, c'est que même les enfants qui n'ont pas de malformations physiques majeures souffrent malgré tout encore de certains handicaps cognitifs et psychomoteurs, dont des troubles autistiques, des troubles de la motricité fine, du langage et des troubles de l'écriture cursive.

Vous vous doutez que c'est pour traiter ces problèmes d'apprentissage de l'écriture que j'ai pris connaissance des effets de ce médicament. Les enfants exposés in utero au valproate souffrent en effet fréquemment de dysgraphie. Heureusement, de mon expérience ces enfants peuvent réagir très favorablement à la rééducation de l'écriture.

 Les résultats d'une étude publiée cette année dans The Lancet Neurology ont montré que les enfants exposés in utero au valproate ont (en moyenne) un QI sigificativement plus faible que les enfants exposés à d'autres médicaments antiépileptiques. Le QI verbal est plus affecté que le QI performance. Plus étonnant, il a été noté que la proportion de gauchers est très significativement augmentée chez les enfants de  cette étude.

Le valproate module la GABA transaminase

Les différences dans les aptitudes verbales et la latéralisation peuvent être expliquées par des changements de latéralisation cérébrale liés à cette exposition aux médicaments antiépileptiques.


On sait que les zones du cerveau impliquées dans le geste d'écriture sont nombreuses. La région du gyrus précentral baptisée « aire d'Exner » a été historiquement considérée comme la zone responsable des automatismes du geste d'écriture. Les données d'exploration neurologique ont confirmé ces hypothèses, mais indiquent que le cortex prémoteur et pariétal postérieur collaborent dans les processus d'écriture. La fonction précise de chacune de ces régions et leurs modes d'interaction restent assez mal connus. Le valproate affecte les neurotransmetteurs GABA (car c'est un inhibiteur de la GABA transaminase), il influe donc sur des mécanismes de base de la transmission de l'influx nerveux. Mais l'acide valproïque est aussi un inhibiteur des histones désacétylases (HDAC) ce qui se traduit par une activité de différentiation sur certains types cellulaires. Il est possible que lors de la formation embryologique des tissus nerveux, le valproate agisse à la fois sur les différenciations cellulaires et sur la communication intercellulaire qui régissent le développement et la communication des différentes zones du cerveau impliquées dans l'écriture. Ce sujet étant pour l'instant peu étudié, les hypothèses que je retranscrit ici sont encore spéculatives

Mes observations personnelles sont que l'automatisation du geste d'écriture de ces enfants, même si elle peut être restaurée  par les exercices classiques de rééducation, est perturbée par des déficits de l’attention et des fonctions verbales. La particularité de ces troubles de l'écriture mérite certainement plus d'études. (Si d'autres praticiens veulent me contacter pour partager leurs expériences à ce sujet, ils sont les bienvenus)

Pendant longtemps les laboratoires pharmaceutiques concernés (Abott, créateur de la molécule aux Etats unis, Sanofi en France, les génériqueurs depuis que la molécule est dans le domaine publique) ont nié, puis minimisé le risque d'exposition du fœtus à cette molécule. Ce n'est que tout récemment que les notices de ces médicaments ont été revues pour décrire ces risques identifiés depuis de nombreuses années. Il y a encore quelques mois j'ai eu dans les mains la notice d'une version générique qui passait ces effets secondaires sous silence.

Le retard des laboratoires pharmaceutiques à inscrire les effets tératogènes sur les notices de ces médicaments, et l'inaction des services de pharmacovigilance aura eu des conséquences dramatique sur plusieurs générations d'enfants. Pourtant les signes d'alerte ont été nombreux et peuvent être facilement documentés depuis 1984.

Je n'ai évidemment pas la prétention de vous fournir ici un avis médical, et je ne veut pas sous-estimer le bénéfice que le valproate (et d'autres anticonvulsivants) peuvent vous apporter si vous souffrez d’épilepsie. Je ne peux que vous apporter ma vision de rééducatrice de l'écriture. Et la rééducatrice que je suis est en colère :
  • contre l'inaction des agences de veille sanitaire (les premières études montrant un risque chez l'enfant datent d'il y a 30 ans!),
  • contre l'hypocrisie des services de communication des laboratoires durant la gestion de cette crise, 
  • contre la volonté des services de marketing des laboratoires pharmaceutique d'élargir les applications de ce médicament à des affections comme la migraine, où le rapport bénéfice/risque est documenté comme défavorable (mais le marché tellement plus important).
 pour aller plus loin :



Littérature sur le syndrome de l'anti convulsif :

une description complète du syndrome depakine :
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/1925511


un autre article de 1984 qui porte sur l'étude de 7 enfants atteints, et évoque les retards psychomoteurs notamment pour deux d'entre eux :
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/6439041

une étude clinique de 1987 qui démontre de manière évidente les risques tératogènes comportementaux sur les rats : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3110838

un article de 1988 qui a étudié 19 enfants exposés au valproate in utero : 71% ont un retard de développement et / ou une anomalie neurologique en monothérapie au valproate, 90% s'ils ont été exposé à plusieurs molécules...
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3125743

ce document photocopié, une étude de 1995 publiée en 1997 est très explicite :

Embryofoetopathie au Valproate Page 1

Embryofoetopathie au Valproate Page 2

Embryofoetopathie au Valproate Page 3

Embryofoetopathie au Valproate Page 4
 court article de 1999 paru dans une revue de neuropsychiatrie indique clairement l'importance du risque lié à la prise de dépakine pendant la grossesse.

Grossesse et thymorégulateurs

Nous pouvons poursuivre avec cette revue du centre de pharmacovigilance de Lyon, qui remonte à 2005. L'article sur l'acide valproïque est en pages 2 et 3.

Vigitox

On trouve encore le Bulletin d'Informations de Pharmacologie (BIP) de Toulouse en 2007.

Le BIP

A nouveau un article plus documenté et un peu ardu du centre de pharmacologie de Lyon daté de 2009. La lecture est difficile, mais très intéressante.

Centre médical de la Teppe


Un extrait en ligne de la revue Prescrire de 2009. Il s'agit d'une revue à destination des médecins, mais qui contrairement à la quasi-totalité de la littérature médicale, est réellement indépendante... Ceci explique sans doute cela !

Revue Prescrire sur l'Acide valproïque

L'étude la plus importante et finalement la plus inquiétante concernant les effets du valproate de sodium sur le développement cognitif est parue en 2009 dans le New England Journal of Medecine. Pour en résumer très rapidement les conclusions, disons simplement que les enfants exposés ont un quotient intellectuel verbal moyen de 92, alors que ceux exposés aux autres traitements anti-convulsivants ont un QI verbal compris entre 98 et 101.

Vous pouvez accéder à l'intégralité de l'article (en anglais) avec le lien suivant :

Cognitive Function at 3 Years of Age after Fetal Exposure to Antiepileptic Drugs

C'est la suite de cette étude, avec trois ans de recul supplémentaire qui vient d'être publiée dans
The Lancet Neurology en 2013 :

Fetal antiepileptic drug exposure and cognitive outcomes at age 6 years, The Lancet Neurology vol 12, Issue 4, p244-252

 La food and Drug administration (FDA) américaine a lancé une alerte le 6 mai 2013 (29 ans après les premiers articles décrivant le problème), qui est particulièrement explicite, et que vous trouverez ici (en anglais) :Valproate Anti-seizure Products Contraindicated for Migraine Prevention in Pregnant Women due to Decreased IQ Scores in Exposed Children

La dysgraphie, l'écriture cursive, et le chinois

écriturechinoise pinceauUn article récent de Research in Developmental Disabilities a attiré mon attention. Il s'agit d'un travail de l'université de Taïwan sur la caractérisation des mouvements de la main dans les cas de dysgraphie. Bien entendu l'écriture considérée est l'écriture scolaire en vigueur à Taïwan, à savoir l'écriture cursive chinoise  traditionnelle, qui est particulièrement éloignée en terme de tracé de l'écriture cursive que nous utilisons pour l'alphabet latin.





Ce qui m'a particulièrement interpellée, c'est que les conclusions de nos collègues taïwanais sont très proches de celles que nous avons en France sur l'écriture cursive.

La dysgraphie des enfants taïwanais se caractérise par des interruptions du geste d'écriture pendant les levées de crayons plus longues que pour le groupe témoin, et par des changements accrus de vitesse et de direction dans le tracé.

Full-size image (65 K)
Exemples de mesures du geste d'écriture cursive en chinois (à gauche: un exemple de groupe de contrôle, à droite: un exemple de groupe dysgraphique). Les données comprennent la trajectoire du stylo (en haut), les profils de vitesse (au milieu) et la force axiale exercée sur le stylo (en bas).



Ce sont exactement les mêmes conclusions que celle des équipes du laboratoire d'Albaret, et que celle que j'ai dans la pratique de la rééducation de l'écriture au cabinet. Le contrôle des levées de crayon, et la maîtrise des vitesses et des changements de direction sont cruciaux pour rééduquer l'écriture. Apparemment ces conclusions sont identiques pour la dysgraphie en écriture chinoise comme en écriture cursive française.

écriture cursive analyse vitesse direction
Un exemple de mesures de vitesses similaires sur le tracé de la lettre "a" en écriture cursive


L'article d'origine :
a Department of Occupational Therapy, I-Shou University, Kaohsiung, Taiwan
b Department of Physical Therapy, I-Shou University, Kaohsiung, Taiwan

Traduction du résumé de l'article :

La Dysgraphie (lorsqu'elle est d'une gravité suffisante pour interférer avec le travail scolaire) a été reconnue comme constituant un trouble spécifique. Caractériser les problèmes du geste d'écriture est une étape nécessaire pour permettre une meilleure intervention thérapeutique. Parmi des enfants âgés de 6 à 8 ans, 69 enfants présentant des caractéristiques dysgraphiques (groupe d'étude) et 69 enfants aux compétences avérées en écriture manuelle (groupe témoin) ont été recrutés dans cette étude. Ils ont passé quatre tests de copie de différents niveaux de complexité qui ont été mesurés à l'aide d'une tablette numérique. Les données acquises consistent en des mesures directes (force de la pointe du stylo) et des paramètres dérivés (vitesse de course, temps de pause, le nombre de pics de vitesse et le ratio entre les temps de levée de crayon et le temps de tracé). La principale conclusion est que les enfants qui présentent des caractéristiques dysgraphiques ont des temps de pause plus élevés et une augmentation du nombre de changements de direction et de vitesse. Des différences significatives ont également été observées à l’intérieur de chaque groupe, en particulier dans le groupe témoin. Les paramètres extraits et observés dans cette étude pourront permettre de différencier et de caractériser les problèmes d'écriture provenant de déficits de la motricité fine.

Pour aller plus loin :






Dysgraphie : à la recherche de la zone de l'écriture

neurones dysgraphie
Depuis les travaux précurseurs d'Exner au XIXe siècle sur des patients atteints de lésions cérébrales, on présumait que le geste d'écriture mettait en jeu une zone spécialisée du cerveau. Le seul moyen d'exploration disponible à l'époque consistait à effectuer l'autopsie de personnes ayant souffert de dysgraphie sévère ou d'agraphie.

Aujourd'hui, une équipe de l'INSERM (Unité 825 "Imagerie cérébrale et handicaps neurologiques») a complété cette exploration, en utilisant les techniques modernes des neurosciences et a nettement amélioré notre compréhension d'une région cérébrale impliquée dans l'écriture cursive, et donc dans la dysgraphie. Ces travaux sont publiés en ligne dans la revue Annals of Neurology.
       
Contrairement au langage oral, le geste d'écriture, invention récente de l'humanité, ne s'automatise qu'à la suite d'une longue période d'apprentissage. Les zones du cerveau impliquées dans le geste d'écriture ne sont donc pas naturellement prévues pour cette fonction, mais se spécialisent au cours de l'apprentissage.

La zone du cerveau qui permet de tracer des lettres est minuscule : elle ne mesure que quelques  millimètres carré. Pour la définir précisément, les chercheurs de l'INSERM ont fait appel à deux techniques très différentes : La première méthode consiste comme à l'époque d'Exner à regarder les conséquences d'une inactivation d'une région précise du cerveau. La différence par rapport au XIXieme siècle, c'est qu'il n'est plus nécessaire d'étudier les conséquences de lésions cérébrales réelles. On peut désormais étudier l'inactivation temporaire d'une micro-région du cerveau,  inactivation induite par une électrode. Le grand avantage est que le patient peut écrire pendant l’expérience. L'équipe de recherche a profité d'opération neurochirurgicales (qui étaient prévues pour retirer des tumeurs bénignes) pour demander à des patients (volontaires, ouf!) de participer à ce travail d'exploration du cerveau.

La stimulation électrique permet de désactiver de très petites parties du cortex. Les patients, éveillés au cours de cette phase de l'intervention, effectuent des exercices d'écriture cursive, spontanés ou sous la dictée. Une fois que la stimulation électrique désactive une certaine zone précise, le patient, tout en étant encore capable de lire ou de déplacer sa main, est tout à fait incapable de produire un message écrit intelligible.

cerveau écriture dysgraphie
A gauche : zones activées en IRM lors d’un exercice de dictée, cerclées en blanc la zone spécifique de la transformation du code orthographique en représentation motrice des lettres. A droite : l’exercice éveillé, les points bleus correspondent aux zones bloquant cette transcription. La position moyenne de ces points correspond à la zone révélée en IRM. © Inserm, JF Demonet
La seconde méthode consiste à effectuer l'imagerie fonctionnelle du cerveau pendant des exercices d'écriture. L'Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle, permet de visualiser l’afflux sanguin dans chaque région du cerveau et donc de voir en temps réel les zones actives du cerveau. L'expérience (en effectuant la comparaison entre des zones activées au cours de différents exercices) permet de définir, statistiquement, l’existence d’une zone responsable de la production écrite de mots.

En croisant les résultats obtenus par ces deux méthodes l'équipe a montré qu'une petite zone dans le cortex frontal gauche est essentielle pour la production de mots écrits. Cette zone permet de transformer l’information orthographique (quelles lettres constituent le mot), en information grapho-motrices (quels mouvements exécuter pour tracer les lettres).

L’équipe de Jean-François Démonet a su localiser dans le cerveau cette région reliant l’information orthographique aux gestes d’écriture. Ce travail est un premier pas vers la compréhension des troubles de l’écriture dans des pathologies aussi diverses que la maladie de Parkinson, l’aphasie vasculaire ou les dysgraphies.

Pour aller plus loin :
Franck-Emmanuel Roux , Olivier Dufor , Carlo Giussani , Yannick Wamain , Louisa Draper , Marieke Longcamp , Jean-François Démonet



    L'aire d'exner a été cité pour la première fois dans : S. Exner: Untersuchungen über die Localisation der Functionen in der Grosshirnrinde des Menschen. Vienna, W. Braumuller, 1881.
    dysgraphie exner
    L'aire d'Exner en 1881

    Dysgraphie du syndrome de Gerstmann



    dysgraphie gerstmann
        En 1924, Gerstmann a observé chez quelques patients un problème neurologique étonnant où les victimes d'accidents cérébraux devenaient incapables de nommer et même de différencier leurs doigts les uns des autres. Cette perte de la possibilité de discriminer ses propres doigts (appelée agnosie digitale) s'accompagnait de dysgraphie, de dyscalculie et d'une impossibilité de distinguer la gauche de la droite. Il a défini à partir de ces quatre symptômes un syndrome qui porte son nom en faisant l'hypothèse que ces handicaps seraient liés à une lésion du lobe pariétal dominant. Depuis lors, le syndrome de Gerstmann  a été  une énigme pour les neuropsychologues.

    neuroscience gerstmann dysgraphieParmi les adultes victimes d'Accident Vasculaires Cérébraux aigus souffrant de dyscalculie, à peine 3% sont concernés à la fois par la dysgraphie, par l'agnosie digitale et  la désorientation gauche-droite. Le Syndrome de Gerstmann reste une entité clinique rare, mais est très précisément associée a des lésions localisées au gyrus angulaire de l'hémisphère dominant. L'occurrence de ces symptômes serait due au fait que les aires cérébrales touchées seraient localement proches. Le gyrus angulaire constitue une région du cerveau associative et multimodale recevant des stimulis à la fois auditifs, visuels et somato-sensoriels. Les neurones de cette région sont donc très bien placés pour traiter l’aspect phonologique et sémantique du langage qui permet l’identification et la catégorisation des objets. 



    L'agnosie digitale se traduit par l'incapacité d'associer le nom correct à chaque doigt. La personne atteinte n'est pas capable de désigner sur une autre main le même doigt pointé sur sa propre main.
    La dysgraphie du syndrome de Gertsmann se traduit par des troubles spécifiques de l'écriture manuscrite, spontanée ou sous dictée. Les lettres sont parfois correctement effectuées mais ne sont pas assemblées sous formes de mots. Il n'y a dans ce cas pas d'erreur de mot pour un autre : il s'agit d'un trouble de la disposition des lettres. Dans d'autres cas la construction des lettres elle même est difficile.

    dysgraphie gerstmann
     dysgraphie gerstmann


    De plus la reconnaissance de l'orientation droite-gauche des lettres est souvent perturbée chez les patients atteint du syndrome de Gerstmann: cela suggère le rôle du flux dorsal de l'hémisphère gauche dans l'élaboration des représentations canoniques orientées des lettres.

    Chez l’enfant, le syndrome de Gerstmann existe sous une forme légèrement différente, qui réunit dyslexie, agnosie digitale, confusion droite-gauche (sur soi et autrui), dysgraphie et dyscalculie. On le qualifie de syndrome développemental de Gerstmann. A la tétralogie  de symptômes classiques (dysgraphie, agnosie digitale, dyscalculie, délatéralisation) s’ajoute souvent une dyspraxie constructive, avec parfois un trouble de l’orientation spatiale géographique. Alors que le syndrome de Gerstmann de l’adulte est souvent marqué par des troubles du langage (de type aphasique), ceux-ci sont très rares dans le syndrome de l'enfant. Le lien entre les syndromes observés chez l'adulte et l'enfant sont encore des sujets de recherche.

    On estime qu'un grand nombre d'enfant souffrant de syndrome développemental de Gerstmann seraient non diagnostiqués, ces enfants compensant par diverses stratégies les effets principaux du syndrome.

    Différentes méthodes d’évaluation de l’agnosie digitale ont été proposées, par différents auteurs (Benton, Kinsbourne, Lefford, Birch et Green). La méthode de Kinsbourne comporte trois épreuves : d’abord la différenciation des doigts, ensuite le sujet doit dire combien de doigts intermédiaires se trouvent entre  les deux doigts qui sont touchés, et enfin le sujet portant un bandeau sur les
     yeux, recoit un objet placé dans sa main, et une fois le masque enlevé, doit reconnaître l’objet parmi d’autres. Ces trois épreuves peuvent être administrées sous deux modalités : dans la première, le sujet montrera le doigt qui avait été sollicité par l’examinateur, dans la seconde, il nommera le doigt touché par l’examinateur. Kinsbourne avait toutefois recommandé de ne pas insister sur la nomination des doigts, pour éviter la confusion avec un défaut d’apprentissage des noms des doigts par exemple. On rajoute parfois une appréciation de la graphesthésie (reconnaître, sans les voir, des signes dessinés sur les doigts ou la paume).

    Pour les enfants le syndrome de  Gerstman peut générer des grandes difficultés dans les apprentissages scolaires, pas seulement à cause de l'impact de la dysgraphie sur leur écriture cursive. Les problèmes de distinction droite gauche, les difficultés constructives et les déficits dans le calcul mental ont un impact considérable dans leur vie quotidienne. Le désordre est mal compris par les enfants eux-mêmes, mais aussi par les parents et les professeurs. On dit régulièrement que ces jeunes patients manquent de motivation, font preuve de mauvaise volonté, sont obstinément maladroits, ou d’une intelligence insuffisante. Cette stigmatisation défavorable est génératrice d’anxiété, de tensions familiales, et est propice à l’installation d’une mauvaise image de soi. C'est pourquoi le diagnostic et la compréhension du syndrome et de ses implications sont importants pour ces enfants et leur famille.

    Des thérapies peuvent diminuer les effets de la dysgraphie et de l'apraxie, mais on dispose encore de très peu de recul scientifique sur l'évolution du syndrome de Gerstmann chez l'enfant.

    pour aller plus loin :



    Bibliographie :

    •  J. Gerstmann Fingeragnosie: Eine umschriebene Störung der Orientierung am eigenen Körper.
      Wiener Klinische Wochenschrift, 1924, 37: 1010-1012.
    • Rusconi E, Pinel P, Dehaene S, Kleinschmidt A. The enigma of Gerstmann` syndrome revisited: a telling tale of the vicissitudes of neuropsychology. Brain. 2012;13:320–332.
    •  Ando Y, Sawada M, Morita M, Kawamura M, Nakano I. Incomplete Gerstmann syndrome with a cerebral infarct in the left middle frontal gyrus. Rinsho Shinkeigaku. 2009;49(9):560–565. [lien]
    • Benton et AL. Gerstmann`s syndrome. Arch Neurol. 1992;49:445–447. [lien]
    • Benton et AL – Body schema disturbances : finger angosia and right-left disorientation. In : Heilman KM, Valenstein E (Eds) – Clinical Neuropsychology. New York : Oxfor University Press. 1979
    • Compston A. The enigma of Gerstmann’s syndrome. Brain. 1965; 1966;89:183–198.
    • Kovacevic L, Kapidzic A, Sinanovic O. Gerstman syndrome in ischemic stroke. Neurologia Croatia. 2005;54(2):125.
    • Poovathinal A S et al. Developmental Gerstmann’s syndrome: a distinct clinical entity of learning disabilities Pediatric Neurology Volume 22, Issue 4, April 2000, Pages 267–278
    • Rusconi E, Pinel P, Eger E, LeBihan D, Thirion B, Dehaene S, Kleinschmidt A. A disconnection account of Gerstmann syndrome: functional neuroanatomy evidence. Ann Neurol. 2009;66(5):654–662. [lien]
    • Tohgi H, Saitoh K, Takahashi S, Takahashi H, Utsugisawa K, Yonezawa H, Hatano K, Sasaki T.  Agraphia and acalculia after a left prefrontal (F1, F2) infarction. Journal of Neurology, Neurosurgery and Psychiatry. 2005;58:629–632.
    • Pisela et Al. The Oxford HandBook of Cognitive Neuroscience, chapter 16 : attentional disorders 

    Surcharge cognitive et dysgraphie

    dysgraphie surcharge cognitive
    Vous avez peut-être entendu parler d'un phénomène dont souffrent une grande majorité des enfants dysgraphiques : je veux parler de la surcharge cognitive. De quoi s'agit-il exactement? Levons un coin du voile sur ce phénomène maintenant mieux connu.

     
    La mémoire de travail étant limitée, si trop d'informations sont à avoir en tête en même temps pour réaliser une tâche, il se produit le phénomène de surcharge cognitive, c'est à dire que le cerveau ne peut plus gérer simultanément le flux de données qu'on lui demande.


    Pour bien comprendre de quoi il s'agit, prenons un exemple concret familier: un enfant est à l'école, en train de faire une dictée.

    Pour réaliser cette exercice banal à priori, l'enfant a besoin de gérer en même temps une grande quantité de données.

    Tout d'abord, il lui faut respecter les consignes habituelles, et donc se les remémorer (je commence à trois carreaux du bord, je mets la date en bleu, dictée en rouge au centre de la feuille, je n'écris pas dans la marge...)
    Ensuite, l'attention de l'enfant doit être dirigée vers le maître qui dicte ce que l'on doit écrire. Bien sur, il ne faut pas faire de fautes. Il faut donc se rappeler le vocabulaire, l'orthographe, la grammaire. Une fois cela fait, il faut (tout en continuant à écouter ce que dit l'enseignant) écrire les mots sur sa feuille, ce qui implique de savoir comment tracer les lettres, de bien tenir son stylo. Enfin il faut se conformer au modèle d'écriture cursive de manière à produire un texte lisible ... A tout moment, l'enfant doit vérifier que tout se déroule comme prévu, que le "m" que l'on voulait écrire ne s'est pas transformé en "n" par exemple....

    Vous l'aurez compris, pour les enfants souffrant de dysgraphie, c'est quasiment mission impossible.

    Pourquoi?

    L'enfant dysgraphique est focalisé sur le fait d'écrire en lui même. Il doit penser à comment on tient le stylo, comment faire un a ("je trourne dans quel sens déjà? ah oui, comme ça, ensuite je fais une petite canne, oups, elle est trop grande, j'efface et je recommence... eh, attendez, ça va trop vite!"
    Il a beau savoir par coeur qu'au pluriel on met un s, y penser en dictée est une autre paire de manche...

    C'est pourquoi, en aidant un enfant dysgraphique à rééduquer son écriture, on obtient souvent des effets remarquables sur l'orthographe. Libéré de ses problèmes d'écriture, l'enfant a enfin le temps de penser à autre chose qu'à l'écriture, il a plus de temps pour réfléchir, et pour se relire.

    Il y a un petit test simple à faire pour voir si votre enfant souffre de surcharge cognitive du à son geste d'écriture durant les dictées, ou s'il n'a pas appris ses leçons. Au lieu de lui faire faire une dictée classique, demandez lui de faire une dictée à trous, ou de trouver les fautes dans la dictée d'un autre élève. S'il fait moins de fautes lorsqu'il n'écrit pas, on peut logiquement en conclure que le fait d'écrire l'empêche de montrer ce qu'il sait. On peut donc raisonnablement s'attendre à des progrès en orthographe en parallèle d'une rééducation de l'écriture.

    pour aller plus loin :

    Dysgraphie dans la littérature scientifique

    La dysgraphie est décrite comme un trouble affectant l'écriture. Que dit la littérature scientifique à ce sujet ?

    Les troubles de l'écriture peuvent toucher la graphie elle-même, mais ils peuvent aussi concerner la mise en page d'un texte ou sa lisibilité.

    Dans le cas de la dysgraphie, les difficultés ,qui se manifestent chez tout enfant en début d'apprentissage de l'écriture, persistent de façon anormale. Le dysgraphique doit alors faire des efforts importants pour compenser ses difficultés, ce qui entraîne tout ou partie des symptômes suivants : crispation, douleur, fatigue et surcharge cognitive.

    Cette pathologie touche aujourd'hui entre 5 et 20% de la population scolaire.


    Différentes définitions de la dysgraphie:

    Le DSM IV (1994) évoque un trrouble de l’expression écrite dont le diagnostic est établi sur la base d’une infériorité significative par rapport au niveau escompté compte tenu de l’âge chronologique, la mesure de l’intelligence ou le niveau scolaire, mesurés par des tests standardisés (voir à ce sujet l'article sur l'échelle d'Ajuriaguerra). Cette infériorité doit se traduire à l’école et dans les activités quotidiennes faisant appel à l’écriture cursive. Le sujet ne doit pas présenter de troubles sensoriels, neurologiques ou de déficience mentale.

    Il existe plusieurs définitions de la dysgraphie. Postel (1993)la définit comme une " atteinte de la fonction graphique scripturale se manifestant au niveau des composantes spatiales de l’écriture, alors que les structures morphosyntaxiques ne sont pas touchées "

    Selon Moscato et Parain (in Moscato et Dailly, 1984) il s'agit d'un " trouble moteur de la réalisation spatiale des éléments graphiques ".


    On peut aussi envisager la dysgraphie comme Hamstra-Bletz et Blöte (1993) qui la définissent comme un trouble du langage écrit qui concerne les habiletés mécaniques de l’écriture cursive. Elle se manifeste par des performances en écriture faibles chez un enfant d’intelligence normale en l’absence d’un trouble neurologique distinct ou d’un handicap perceptivo-moteur. De plus, le niveau d’instruction concernant cette habileté correspond à ce qu’un enfant de cet âge est censé savoir.

    Les études réalisées auprès d’enfants présentant des troubles des apprentissages retrouvent fréquemment une dysgraphie associée : Mihara et Al évoquent de 30 à 40%des cas dans leur étude (1990, in Cratty, 1994), alors que  Waber et Berstein (1994) parlent de 67%.Cependant, l’existence d’une dysgraphie exempte de trouble associé a été reconnue : on estime qu’environ la moitié des dysgraphiques présente un syndrome isolé (O’Hare et Brown, 1989). Deux dimensions sont distinguées, une fonction motrice primaire qui permet l’exécution des gestes et une fonction linguistique qui code les informations à différents niveaux structurels (Marcié et Hécaen, 1989).


    Par ailleurs, les dysgraphies peuvent être spécifiques (c'est à dire dues à un problème clairement identifié) ou non spécifiques (Deuel, 1994).

    Les dysgraphies dont la cause est connue résultent souvent de troubles orthographiques, de troubles de la coordination motrice, de troubles du langage ou de troubles visuels. Les composantes motrices peuvent être associées à des problèmes anatomiques, à un déficit des fonctions exécutives et de la planification motrice ainsi que des troubles visuo-spatiaux.

    Les dysgraphies non spécifiques, pour leur part, renvoient dans la littérature à différentes étiologies dont elles ne sont qu’une expression : déficience intellectuelle, carence affective, absentéisme scolaire, entraînement réduit.

    Pour ma part, j'y ajoute un défaut d'enseignement adapté du geste d'écriture, et un défaut de préparation à l'écriture dont fait partie la tenue de crayon.

    Les perturbations de l’écriture vont de la simple erreur de substitution de lettres jusqu’à l’incapacité totale d’écrire (Mc Carthy et Warrington, 1994).
    Elles peuvent, selon Gaddes et Edgell (1994), être regroupées en quatre rubriques :
    •  l’altération de l’écriture cursive (tremblements, lettres mal formées, télescopages ou absences de liaison, absences de boucles, traits repassés, micrographie par exemple),
    •  les troubles spatiaux (mauvais alignement des lettres, mots serrés, absence de marge, lignes ascendantes ou descendantes),
    • les troubles syntaxiques (difficulté à écrire des réponses grammaticalement correctes en réponse à une question alors que l’expression orale ne souffre pas d’un telle difficulté),
    • le fait de ne pas aimer écrire.


    Les différentes classifications de la dysgraphie


    Il existe différentes classifications de la dysgraphie selon leurs auteurs.
     La classification classique d'Ajuriaguerra comporte cinq types de dysgraphies :

    • les dysgraphies molles ;
    • les dysgraphies impulsivess ;
    • les dysgraphies maladroites ;
    • les dysgraphies raides ;
    • les dysgraphies lentes et précises


    La classification de Mojet (1991) détermine 4 types de scripteurs en fonctions de variables kinématiques, c’est à dire, en fonction de la qualité du mouvement : accélération, lever du crayon, temps entre deux mots ou entre deux lettres.

    Une autre classification présente les dysgraphies en fonction des signes qui leur sont préférentiellement associés. Ainsi, Sandler et al. (1992) proposent quatre types de dysgraphie :

    • dysgraphie avec trouble linguistique et trouble de la motricité fine
    • dysgraphie avec déficits visuo-spatiaux
    • dysgraphie avec trouble de l’attention et de la mémoire
    • dysgraphie avec trouble séquentiel


    Cependant, cette étude ne fournit aucun élément concernant la présence et la nature des comorbidités dans les différents groupes et ne permet pas d’en préciser l’étiologie et le tableau clinique.


    Deuel (1994) distingue, pour sa part, trois sous-types de dysgraphie :

    • dysgraphie dyslexique
    • dysgraphie liée à une maladresse sur le plan moteur
    • dysgraphie due à un trouble spatial. 


    De cette revue de la littérature, il apparaît au moins une chose clairement : il n'y a pas de consensus scientifique parfaitement défini sur la définition de la dysgraphie, ni sur son origine, ni sur la façon d'y remédier.

    D'autres articles pouvant vous interesser :

    Ecriture au stylo, écriture au clavier

    Souvent l' enfant souffrant de dysgraphie sévère se voit proposer de ne plus écrire et d'utiliser un clavier à la place d'un stylo.

    Les enfants qui utilisent très tôt un clavier pour écrire rencontreraient t-ils plus de problèmes d'écriture et de lecture que les enfants qui manipulent un stylo? Finalement, quels avantages y a-t-il à apprendre l’écriture manuscrite ? Que perdrait-on si elle n’était plus enseignée ? Ce sont les questionnements que pose cet intéressant article de Cerveau&Psycho. Les auteurs y décrivent quelques résultats de neurobiologie récents appliqués à la pédagogie de l'enseignement de l'écriture cursive.

    Les exercices d'écriture sont bons pour la lecture

    Premier constat : lorsqu'on reconnait une lettre par la lecture, on active les mêmes zones du cerveau que celles qui sont mises en jeu lorsqu'on trace la lettre cursive. Le mécanisme de la lecture fait appel à une mémoire qui n'est pas seulement visuelle, mais aussi sensori-motrice : les zones cérébrales qui exécutent les mouvements de l'écriture cursive et sentent en même temps les tensions musculaires résultant du mouvement, sont mises en œuvre automatiquement lorsqu'on lit.


    Or, ce réseau cérébral se met en place lorsque on apprend en même temps à lire et à écrire avec un
    stylo. Lors de l'apprentissage de l'écriture au CP,  les enfants qui apprennent la lettre A associent sa forme visuelle avec le son [a] et le mouvement qui permet d’écrire un « A ». La correspondance entre le mouvement graphique et la forme produite est unique : à chaque lettre correspond un seul mouvement.

    Le cerveau est mieux mobilisé par l'écriture manuscrite

    écriture cursive cerveauLa situation est forcément différente lorsqu’on écrit avec un clavier. Il s’agit cette fois d’atteindre une touche du clavier où se trouve une forme donnée. La correspondance entre le mouvement et la forme de la lettre est arbitraire : un mouvement identique peut aboutir à produire deux lettres différentes, et inversement, la même touche peut être atteinte par des mouvements différents… Il n’y a donc plus une relation simple entre la lettre et le mouvement, et rien dans le mouvement d’atteinte des touches ne renseigne sur la forme ou l’orientation de la lettre formée. Si, comme les études neurologiques le montrent, il est essentiel de développer la perception des mouvements de la main pour bien apprendre à reconnaître les lettres, il n'est pas indifférent d’apprendre à écrire au clavier et au stylo.


    Pour le montrer les auteurs ont testé chez des enfants âgés entre quatre et cinq ans le lien entre l’écriture cursive manuscrite ou au clavier et l'apprentissage de la lecture. Ils ont trouvé que l'apprentissage de l'écriture manuscrite était bénéfique : les enfants reconnaissaient mieux les lettres qu’ils avaient écrites à la main. Au contraire, les enfants ayant appris au clavier avaient des difficultés à reconnaître certaines lettres. Ainsi, il est bon d’apprendre à écrire avec un stylo, si l’on souhaite développer une bonne reconnaissance visuelle des lettres. Le clavier semble donc peu recommandé lorsqu'on est encore en apprentissage de la lecture, que ce soit en maternelle et primaire, ou plus tard, si on a encore des difficultés avec l'écriture cursive ou la lecture.

    Clavier et dysgraphie

    Pour les enfants et les adolescents qui souffrent de dysgraphie et de dyslexie, avant de passer à l'ordinateur, il est donc préférable d'essayer une rééducation de l'écriture, puisque le fait de passer au clavier va influer sur les capacités cognitives leur manière de traiter l'information écrite.


    Pour aller plus loin :

    La bibliographie des articles d'origine de cette étude :

    M. LONGCAMP et al.,
    in Acta Psychologica, vol. 119(1), pp. 67-79, 2005.

    J. L. VELAY et al.,
    sous la direction de E. Gentaz et P. Dessus, Dunod, pp. 69-82, 2004.

    M. LONGCAMP et al.,
    in Neuroimage, vol. 19(4), pp. 1492-1500, 2003.

    et pour les anglophones un article de vulgarisation du Wall Street journal avec des conclusions similaires provenant d'équipes d'outre atlantique sur les relations entre écriture au clavier et écriture manuscrite