Le Valproate est connu depuis très longtemps pour ses effets tératogènes. Il a en effet été identifié depuis les années 80 que le risque d'un spina bifida était fortement augmenté lors des grossesses où la mère était traitée par valproate.
Ce qui est (encore) moins connu, c'est que même les enfants qui n'ont pas de malformations physiques majeures souffrent malgré tout encore de certains handicaps cognitifs et psychomoteurs, dont des troubles autistiques, des troubles de la motricité fine, du langage et des troubles de l'écriture cursive.
Vous vous doutez que c'est pour traiter ces problèmes d'apprentissage de l'écriture que j'ai pris connaissance des effets de ce médicament. Les enfants exposés in utero au valproate souffrent en effet fréquemment de dysgraphie. Heureusement, de mon expérience ces enfants peuvent réagir très favorablement à la rééducation de l'écriture.
Les résultats d'une étude publiée cette année dans The Lancet Neurology ont montré que les enfants exposés in utero au valproate ont (en moyenne) un QI sigificativement plus faible que les enfants exposés à d'autres médicaments antiépileptiques. Le QI verbal est plus affecté que le QI performance. Plus étonnant, il a été noté que la proportion de gauchers est très significativement augmentée chez les enfants de cette étude.
Le valproate module la GABA transaminase |
Les différences dans les aptitudes verbales et la latéralisation peuvent être expliquées par des changements de latéralisation cérébrale liés à cette exposition aux médicaments antiépileptiques.
On sait que les zones du cerveau impliquées dans le geste d'écriture sont nombreuses. La région du gyrus précentral baptisée « aire d'Exner » a été historiquement considérée comme la zone responsable des automatismes du geste d'écriture.
Les données d'exploration neurologique ont confirmé ces hypothèses, mais
indiquent que le cortex prémoteur et pariétal postérieur collaborent
dans les processus d'écriture. La fonction précise de chacune de
ces régions et leurs modes d'interaction restent assez mal connus. Le valproate affecte les neurotransmetteurs GABA (car c'est un inhibiteur de la GABA transaminase), il influe donc sur des mécanismes de base de la transmission de l'influx nerveux. Mais l'acide valproïque est aussi un inhibiteur des histones désacétylases
(HDAC) ce qui se traduit par une activité de différentiation sur certains types cellulaires. Il est possible que lors de la formation embryologique des tissus nerveux, le valproate agisse à la fois sur les différenciations cellulaires et sur la communication intercellulaire qui régissent le développement et la communication des différentes zones du cerveau impliquées dans l'écriture. Ce sujet étant pour l'instant peu étudié, les hypothèses que je retranscrit ici sont encore spéculatives
Mes observations personnelles sont que l'automatisation du geste d'écriture de ces enfants, même si elle peut être restaurée par les exercices classiques de rééducation, est perturbée par des déficits de l’attention et des fonctions verbales. La particularité de ces troubles de l'écriture mérite certainement plus d'études. (Si d'autres praticiens veulent me contacter pour partager leurs expériences à ce sujet, ils sont les bienvenus)
Pendant longtemps les laboratoires pharmaceutiques concernés (Abott, créateur de la molécule aux Etats unis, Sanofi en France, les génériqueurs depuis que la molécule est dans le domaine publique) ont nié, puis minimisé le risque d'exposition du fœtus à cette molécule. Ce n'est que tout récemment que les notices de ces médicaments ont été revues pour décrire ces risques identifiés depuis de nombreuses années. Il y a encore quelques mois j'ai eu dans les mains la notice d'une version générique qui passait ces effets secondaires sous silence.
Le retard des laboratoires pharmaceutiques à inscrire les effets tératogènes sur les notices de ces médicaments, et l'inaction des services de pharmacovigilance aura eu des conséquences dramatique sur plusieurs générations d'enfants. Pourtant les signes d'alerte ont été nombreux et peuvent être facilement documentés depuis 1984.
Je n'ai évidemment pas la prétention de vous fournir ici un avis médical, et je ne veut pas sous-estimer le bénéfice que le valproate (et d'autres anticonvulsivants) peuvent vous apporter si vous souffrez d’épilepsie. Je ne peux que vous apporter ma vision de rééducatrice de l'écriture. Et la rééducatrice que je suis est en colère :
Je n'ai évidemment pas la prétention de vous fournir ici un avis médical, et je ne veut pas sous-estimer le bénéfice que le valproate (et d'autres anticonvulsivants) peuvent vous apporter si vous souffrez d’épilepsie. Je ne peux que vous apporter ma vision de rééducatrice de l'écriture. Et la rééducatrice que je suis est en colère :
- contre l'inaction des agences de veille sanitaire (les premières études montrant un risque chez l'enfant datent d'il y a 30 ans!),
- contre l'hypocrisie des services de communication des laboratoires durant la gestion de cette crise,
- contre la volonté des services de marketing des laboratoires pharmaceutique d'élargir les applications de ce médicament à des affections comme la migraine, où le rapport bénéfice/risque est documenté comme défavorable (mais le marché tellement plus important).
- Une association de parents d'enfants atteints : l'apesac
- Neuroscience et écriture
- La dysgraphie en dix questions
- L'écriture des enfants autistes
une description complète du syndrome depakine :
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/1925511
un autre article de 1984 qui porte sur l'étude de 7 enfants atteints, et évoque les retards psychomoteurs notamment pour deux d'entre eux :
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/6439041
une étude clinique de 1987 qui démontre de manière évidente les risques tératogènes comportementaux sur les rats : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3110838
un article de 1988 qui a étudié 19 enfants exposés au valproate in utero : 71% ont un retard de développement et / ou une anomalie neurologique en monothérapie au valproate, 90% s'ils ont été exposé à plusieurs molécules...
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3125743
ce document photocopié, une étude de 1995 publiée en 1997 est très explicite :
Embryofoetopathie au Valproate Page 1
Embryofoetopathie au Valproate Page 2
Embryofoetopathie au Valproate Page 3
Embryofoetopathie au Valproate Page 4 court article de 1999 paru dans une revue de neuropsychiatrie indique clairement l'importance du risque lié à la prise de dépakine pendant la grossesse.
Grossesse et thymorégulateurs
Nous pouvons poursuivre avec cette revue du centre de pharmacovigilance de Lyon, qui remonte à 2005. L'article sur l'acide valproïque est en pages 2 et 3.
Vigitox
On trouve encore le Bulletin d'Informations de Pharmacologie (BIP) de Toulouse en 2007.
Le BIP
A nouveau un article plus documenté et un peu ardu du centre de pharmacologie de Lyon daté de 2009. La lecture est difficile, mais très intéressante.
Centre médical de la Teppe
Un extrait en ligne de la revue Prescrire de 2009. Il s'agit d'une revue à destination des médecins, mais qui contrairement à la quasi-totalité de la littérature médicale, est réellement indépendante... Ceci explique sans doute cela !
Revue Prescrire sur l'Acide valproïque
L'étude la plus importante et finalement la plus inquiétante concernant les effets du valproate de sodium sur le développement cognitif est parue en 2009 dans le New England Journal of Medecine. Pour en résumer très rapidement les conclusions, disons simplement que les enfants exposés ont un quotient intellectuel verbal moyen de 92, alors que ceux exposés aux autres traitements anti-convulsivants ont un QI verbal compris entre 98 et 101.
Vous pouvez accéder à l'intégralité de l'article (en anglais) avec le lien suivant :
Cognitive Function at 3 Years of Age after Fetal Exposure to Antiepileptic Drugs
C'est la suite de cette étude, avec trois ans de recul supplémentaire qui vient d'être publiée dans The Lancet Neurology en 2013 :