Dysgraphie : faut-il faire des lignes d'écriture?

Il est certain que l'on progresse en écriture avant tout en écrivant. Plus on a l'habitude d'écrire, plus l'écriture cursive devient fluide, plus l'écriture cursive devient rapide.
Il est donc très tentant de faire faire des lignes d'écriture aux enfants qui ont des difficultés d'apprentissage de l'écriture. Ainsi, pense t'on, il doit être possible de corriger les défauts présents en écrivant plus.

Malheureusement, rien n'est plus faux.

Lorsqu'un enfant a des difficultés à écrire (ou encore à réaliser le travail écrit demandé si l'enfant est en maternelle) on ne peut pas rester les bras croisés et ne pas réagir. 
Doit-on laisser l'enfant écrire moins que les autres enfants de sa classe? Non, car il n'écrira pas assez pour progresser.
Doit-on accepter l'écriture brouillonne de l'enfant? Non plus, car dans ce cas, quel besoin aurait-il de faire des efforts pour s'améliorer? Ne nous leurrons pas, progresser en écriture cursive, que l'on ait des difficultés ou pas, impose du travail et des efforts.
Doit-on systématiquement demander à ce que le travail, s'il n'est pas assez soigné- soit systématiquement refait? J'aurais tendance à répondre toujours non.
Alors, que faut-il faire?

Je pars du principe qu'un enfant ne fait pas exprès d'écrire mal. Il est au final bien plus agréable d'avoir l'écriture du premier de la classe, que d'être sans cesse critiqué pour son manque de soin. C'est aussi bien plus de travail d'écrire mal, puisqu'il faut souvent refaire les exercices d'écriture. Sans compter que dans l'immense majorité des cas, les enfants qui ont une dysgraphie souffrent de crispations et de douleurs lorsqu'ils écrivent. 
Lorsque l'on donne un surcroit de lignes d'écriture cursive à l'enfant qui écrit mal, on risque d'augmenter encore sa répulsion pour l'écriture, d'augmenter ses douleurs, d'augmenter sa fatigue. Quand un enseignant impose à un enfant de CM1 des lignes d'écriture comme au CP, l'enfant se sent en général humilié. Il faut donc que ce travail de remédiation soit vraiment efficace pour que le jeu en vaille la chandelle.

En résumé, il faut agir sur la cause du problème, et pas sur le symptôme (la mauvaise écriture cursive). La question à se poser est donc :
Pourquoi écrit-il mal? 
  • Première cause à explorer, la tenue de crayon. Bien tenir son crayon est un préalable indispensable à une écriture fluide et sans douleur.Si la tenue du crayon est mauvaise, augmenter la quantité de lignes d'écriture aggravera le problème au lieu de le résoudre. Précisons que c'estlors de l'apprentissage de l'écriture en maternelle que la bonne tenue de crayon doit être acquise, puisque c'est en maternelle que les enfants utilisent leurs premiers crayons.
  • Seconde cause possible, les problèmes pathologiques : L'enfant voit il bien? (en cas de doute voir un ophtalmologiste). L'enfant pose t'il bien son regard? (voir un orthoptiste). L'enfant a t'il un bon développement psychomoteur ? (le psychomotricien peut aider à poser un diagnostique). Si l'enfant voit mal, lui demander de refaire son travail ne le fera pas écrire plus petit, mettre des lunettes, si.
    En résumé, il faut être certain que l'origine du problème ne vient pas  d'un handicap ou d'une différence non diagnostiquée. Là encore, faire des lignes d'écriture supplémentaires n'aidera pas l'apprentissage du geste d'écriture.
  • Troisième cause, les problèmes d'apprentissage, où l'enfant n'a pas réussi à apprendre ce que lui a enseigné son maître. Je vois souvent au cabinet de rééducation des enfants qui tournent les lettres rondes dans le mauvais sens par exemple, car on ne leur a pas appris en CP ou en maternelle le sens de rotation des lettres, ou qu'ils n'ont pas réussi à l'apprendre avec la méthode de leur enseignant.  Dans ce cas, il va falloir effectivement travailler les difficultés spécifiques rencontrées, mais avec une méthode différente, suffisamment nouvelle aux yeux de l'enfant pour susciter de l'intérêt et pour avoir une chance d'être efficace. Faire écrire l'enfant sera alors ici utile, mais il n'est pas nécessairement besoin d'écrire de grosses quantité : mieux vaut écrire peu, mais bien, spécifiquement des mots contenant la difficulté à résoudre, pour rééduquer le geste.
  • Quatrième cause possible, l'excès d'application qui va de pair avec l'excès de lenteur. Eh oui, l'enfant peut écrire trop lentement car il s'applique trop, concentré qu'il est à reproduire des formes. Ici il faut veiller à fluidifier le tracé et surtout ne pas conforter l'enfant dans son application et sa lenteur. Refaire des exercices d'écriture cursive durera des heures, mais ne résoudra probablement rien.
On pourrait continuer la liste des causes, car elle ne sera jamais exhaustive. Chaque dysgraphie est unique.
Avant de donner des lignes d'écriture à faire, posez-vous la question : que faut-il améliorer dans l'écriture qui pose problème? Quelle en est la cause? les lignes d'écriture seront-elles vraiment efficaces dans ce cas précis?

Et en tout état de cause, si l'écriture ne s'améliore pas rapidement, ce sera alors le moment de consulter la rééducatrice en écriture...