L'inspection générale de l'éducation nationale vient de publier une analyse décapante de l'enseignement de l'écriture manuscrite en France. Les pratiques observées par les inspecteurs montrent que malgré la bonne volonté des enseignants, l'écriture cursive reste le parent pauvre des enseignements élémentaires.
D'après le rapport de l’inspection générale intitulé "Bilan de la mise en œuvre
des programmes issus de la réforme de l’école primaire de 2008", les mauvais résultats de l’école primaire française qui
n’apprend à lire et à compter qu’à 80 % des enfants, ont des racines
plus profondes que la seule mise en cause des programmes.
Entre autres, la formation des enseignants, et le temps alloué à l'apprentissage de l'écriture cursive sont mis en cause. Extraits du rapport:
"Les facettes très différentes de l’écriture sont toutes importantes pour la suite de la scolarité, y compris la plus élémentaire d’entre elles, l’apprentissage du geste graphique rapide et sûr pour tracer les mots en écriture cursive.
Apprendre à écrire au cycle 2, c’est aussi bien apprendre à coder des mots (activité symétrique du déchiffrage dans l’acquisition d’une expertise avec le code de la langue), à écrire des mots ou des phrases sous la dictée, à copier des textes ou à les transcrire (en transformant le plus souvent un texte imprimé en une version manuscrite en écriture cursive) ; c’est enfin apprendre à rédiger, à construire des phrases correctes et des textes cohérents.
92 % des maîtres interrogés estiment travailler de manière satisfaisante la copie, et 94 % la dictée. Pour la rédaction, ils ne sont plus que 52 % à porter ce jugement favorable sur leurs pratiques. Si les cahiers des élèves permettent de vérifier que cette dernière affirmation correspond aux réalités, les écrits n’attestent pas nécessairement un enseignement rigoureux du geste d’écriture. L’observation en classe met en évidence que l’écriture cursive et les pratiques de copie sont souvent mal fixées, avec les conséquences en matière de lenteur et d’approximations graphiques que cela aura inévitablement à plus ou moins long terme. (...) On n’accorde guère d’importance à ces tâches qui relèvent d’un rite scolaire et ne sont pas perçues dans ce qu’elles peuvent avoir de formateur. La préconisation des programmes de 2008 de faire rédiger des phrases, et pas immédiatement des textes, a libéré certains maîtres qui disent se sentir plus à l’aise pour demander à leurs élèves de produire des écrits dès le CP. Dans de nombreuses classes, des images inductrices sont données pour que chaque élève ait « quelque chose à dire ». De l’image unique (qui, par exemple, soutient la rédaction d’un portrait) à la série d’images séquentielles qui induit un récit, le passage est franchi en cours de CP. Les récits de vie sont peu sollicités mais on en trouve dès cette classe (« raconte ce que tu as fait pendant les vacances de Noël » ; « raconte ta plus grande peur »). Mais dans ce domaine comme dans d’autres, l’enseignement est très limité : les élèves sont mis en situation de produire et, sans travail supplémentaire de leur part, leurs propositions sont mises aux normes orthographiques par le maître et l’activité s’arrête là."
Cette analyse de l'inspection générale rejoint complètement l'observation que je fais chaque fois que je travaille avec les enseignants : La plupart me décrivent leur frustration par rapport à leur formation initiale qui ne met qu'exceptionnellement l'accent sur une méthode d'apprentissage de l'écriture cursive. Si la majorité d'entre eux a évidemment développé sa propre progression pour initier les élèves à l'écriture manuscrite, ils sont parfois désemparés par l'absence de modèles ou d'outil fournis par l'éducation nationale. Et encore plus pour aider les élèves en difficulté.
Pour aller plus loin:
- Les exercices d'écriture cursive dans les programmes scolaires au XXième siècle
- Les police d'écriture cursive "éducation nationale" : une fausse bonne idée?
- Livret pédagogique dysgraphie de l'éducation nationale
- Un dysgraphique dans la classe : que faire pour l'aider ?