Près de la moitié des précoces sont dysgraphiques

écriture cursive dysgraphie
Les liens entre précocité et dysgraphie ont fait l'objet de nombreuses observations classiques, que ce soit de la part des enseignants, des parents ou des rééducateurs. On peut se poser la question si ces observations reflètent une réalité. L'image du "surdoué" brillant que véhicule l'imaginaire collectif a du mal à cadrer avec les difficultés d'écriture...

Il existe peu d'études scientifiques sur ce sujet, et les différentes hypothèses qui ont été avancées sur les troubles d'écriture des enfants intellectuellement précoces ont rarement été validées. Néanmoins la fréquence de ces troubles a été étudiée, et il apparaît que :

50% des enfants précoces souffrent de dysgraphie


Parmi ces (trop rares) études je recommande la lecture de cet article scientifique paru dans "Evolutions Psychomotrices" : les troubles graphomoteurs chez les enfants d’intelligence supérieure :

Les auteurs (Santamaria et Albaret, psychomotriciens) ont étudié un panel d'enfants d’intelligence supérieure,  identifiés par des moyens psychométriques reconnus, et ont utilisé l’échelle d'Ajuriaguerra pour quantifier la dysgraphie de ces enfants. Il en ressort que plus de la moitié des enfants étudiés présentent des troubles de l'apprentissage de l'écriture. Ces chiffres sont très nettement supérieurs à la fréquence des troubles de l'écriture dans la population générale

Ces auteurs ont tenté par cette étude de répondre à la question de l'origine de ces troubles chez les enfants précoces. L'hypothèse qu'ils formulent est que ces dysgraphies seraient liées à une insuffisance de la vitesse de transcription par rapport à la vitesse des processus cognitifs. Une écriture trop lente de  fait, peut mener à une crispation de la main qui écrit, et à une détérioration du tracé de l'écriture. Le problème serait alors plus net dans le graphisme spontané ou sur les lignes d'écriture exécutée à vitesse accélérée. La difficulté s’estomperait à la dictée lorsque la vitesse imposée du dehors (par exemple par l’enseignant) serait en accord avec les capacités de l'élève.

Pour être honnête, cette étude n'arrive pas complètement à ces objectifs. Si elle démontre bien (sur un petit échantillon néanmoins, les enfants en apprentissage de l'écriture au CP y sont peu représentés) la forte fréquence de la dysgraphie chez les enfants précoces, elle ne permet pas de conclure définitivement sur la question de l'origine de ces troubles de l'écriture. Les caractéristiques des dysgraphies des enfants précoces ne se différencient en effet  pas de celles rencontrées habituellement dans l'apprentissage de l'écriture. 

Savoir si ces dysgraphies découlent d’un décalage entre la vitesse de pensée et d’écriture ou si le problème se situe ailleurs, au niveau de la  coordination motrice nécessiterait de poursuivre les recherches sur une population plus importante, et avec plusieurs modèles d'écriture différents.

Affaire à suivre, donc...


Retenons néanmoins la conclusion pratique des auteurs :
" quelle que soit l’étiologie du trouble graphomoteur, la rééducation de tels sujets donne des effets positifs mais nécessite l’adaptation des techniques habituelles aux caractéristiques de ces individus."

D'autres articles pour aller plus loin :

Voir aussi :

Bibliographie :

AJURIAGUERRA J. De, AUZIAS M., COUMES F., DENNER A/, LAVONDES-MONOD V., PERRON R. et STAMBAK
M., L’écriture de l’enfant : I. L’évolution de l’écriture et ses difficultés, 2ème éd., Neuchâtel : Delachaux et Niestlé, 1971.
ALTMAN R., Social-emotional development of gifted children and adolescents : a research model, Roeper
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CLARK B., Growing up gifted, Colombus, OH : Merrill Publishing Co, 1988.
FREEMAN J., Gifted children, Lancaster : MTP, 1979.
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Helm, 1983, 19-39.
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(d’après la 1° éd. americaine., 1983).
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Gifted Child Quartely,1988 2, 347-352.
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STERNBERG R.J., What should intelligence tests test ? Educational Researchers, 1984, 13, 5-15.
TERMAN L.M., Genetic Studies of Genius : Mental and physical traits of 1000 gifted children, Standford, CA :
Stanford University Press, 1925.


TERRASSIER J.C., Les enfants surdoués ou la précocité embarrassante, 3°éd., Paris : ESF, 1994.
TERRASSIER J.C., Psychomotricité et enfants surdoués, La psychomotricité, 1978, 2, 1, 1-4.
WEBB J.T., Nurturing social-emotional development of gifted children, ERIC Digests, 1994.
WECHSLER D., WISC-III : Manuel de passation et d’interprétation, Paris : ECPA, 1996